J’étais obsédée par cette envie d’être indépendante

 Sandia Karima Boina M. Vitali

Le début de mon mariage a été un de mes meilleurs moments de ma vie de jeune femme. J’ai découvert un mari favorable à l’émancipation de la femme et à son instruction. 

Grâce à ses encouragements et son soutien moral, j'ai pu aller plus loin dans mes études. Je lui en serai toujours reconnaissante. J’étais consciente de la chance que j’avais.

Je pouvais partager avec mon époux mes projets de vie de femme engagée.

Je pouvais enfin m’épanouir. Cependant, le rôle de femme au foyer ne me convenait pas totalement. 

Je me consolais en me disant que j’étais jeune et que j’étais en train de me chercher. 

Mais au fur et à mesure que le temps passait, je me rendais compte que j’étais obsédée par cette envie d’être indépendante. J’ai ressenti dès le début du mariage le poids du regard de la société comorienne sur ce sujet. 

Je me suis alors plongée dans des lectures, et, par la suite, j’ai pris des cours par correspondance à Educatel pour une remise à niveau en français. J’ai pu ainsi m’évaluer dans ce domaine et à envisager de retourner en France pour mieux me former. 

Cette réalité a été pendant un moment la mienne. Le plus dur dans tout ce processus, c’était que je ne pouvais pas me confier à mes proches par peur de les choquer. Personne, même pas mon mari n’était au courant, et je vivais dès lors dans une espèce d’isolement total. 

Je pourrais assimiler cette période de ma vie à un rêve qui virait progressivement au cauchemar. J’étais victime d’angoisses de plus en plus fréquentes.

Tiraillée entre deux situations, la première qui convenait à la société et qui me pesait de plus en plus, et la seconde, que j’adoptais, mais alors, au prix d’un arrachement total et d’un désaccord avec ma  famille. 

L’atmosphère devenait de plus en plus pesante pour moi, et j’avais honte de le dire à mon entourage, pas même à ma famille.

C’est dans cet isolement qu’un après-midi de l’année 1998, suite à une énième dispute avec Fatouma, j’ai tenté de mettre fin à ma vie, en avalant des quantités de médicaments, dans la chambre, pendant que mon époux regardait la télévision. Ma fille, alors âgée de trois ans se mit à pleurer face à mon immobilité. 

Les cris de l’enfant n’ont pas du tout inquiété son père qui était dans la pièce d’à côté. 

Etourdie, à moitié consciente et dopée d’un sursaut de culpabilité maternelle, j’ai moi-même pris le téléphone pour appeler les pompiers. 

La mort ne voulait pas de moi. Je ne voulais plus d’elle. 

Extrait du livre de Sandia Karima Boina M. Vitali

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