Le seul crime que mes parents aient commis c’est d’avoir choisi de s’aimer.


Ce livre autobiographique est pour moi une façon de faire le deuil de la mort de ma mère, de transmettre à mes enfants les enseignements que j’ai reçus d’elle.

Mon livre sera l’occasion de retisser le lien avec mes frères et sœurs que j’aime tant, mais dont je me suis éloignée. 

J’ai commencé à écrire mes premières lignes dans l’avion lors d’un voyage humanitaire en 2015.

Dès cet instant, j’ai eu envie d’en savoir plus sur les traditions, les coutumes et mœurs comoriennes. Mais, au fur et à mesure de mes recherches, j’ai découvert des secrets de famille assez complexes et lourds à porter.

J’ai appris à éviter les écueils, à me protéger et à faire face à l’adversité, comme ma mère me l’a transmis. 

Au moment de son départ de la France en octobre 2011, elle m’a fait promettre de m’occuper de ma tante et de mon oncle de façon engagée et d’éviter d’en parler pour ne pas subir des influences négatives.

En fait c’était nos adieux. Elle est décédée quatre mois après son retour aux sources d’une crise cardiaque. 

Dans mon histoire, je ne peux pas ne pas parler de mon père. Bien que le mauvais semble de loin l’emporter sur le bon, je dois pouvoir mettre en avant certaines de ses qualités. 

D’après moi, mon père en tant que tel était une bien meilleure personne que l’ensemble des membres de sa famille, mais, il subissait incontestablement tous les effets néfastes. 

Cependant, je serais peu fière de moi si je devais lui manquer totalement de reconnaissance. Je fais partie de sa chair. 

Il était doué d’un grand sens de l’humour. Il était drôle et nous faisait très souvent rire. 

Il était doué d’un grand sens de l’humour. Il était drôle et nous faisait très souvent rire. 

Ses manières, étaient parfois blessantes, quelquefois même brutales, mais c’était un homme bon, un homme authentique, un homme fier d’être le père de magnifiques enfants métis, et le mari d’une femme agréable et très belle. 

Il a fait de son mieux pour nous donner le meilleur de lui-même. Il a fait ce qu’il a pu avec ce qu’il avait. 

Hélas, Il a été sous la contrainte d’une famille dominatrice et à tendance intégriste qui lui imposait une stricte observance de la charia, ce qui était loin de son aspiration à un islam plus modéré. Il n’a été que l’exécutant des prises de décision de sa famille.

Son seul grand acte de rébellion et de résistance a été son mariage avec ma mère, femme non musulmane.

Sa famille a jugé ce choix impardonnable et lui en a tenu rigueur jusqu’à la fin de ses jours.

Cette antipathie, voire cette haine s’est transmise sur nous, ses enfants, et notre mère qui n’a jamais été ni acceptée ni même tolérée. 

Sa gentillesse était évidente. Mais oppressé et harcelé par sa famille et sa mère qu’il n’osait absolument pas affronter, il était tiraillé entre celle-ci, sa deuxième femme qui était aussi sa cousine, ma mère et nous ses enfants.

La stratégie de ma famille était de diviser pour mieux régner. 

Le seul crime que mes parents aient commis c’est d’avoir choisi de s’aimer. 

J’aurais aimé embellir l’histoire, j’aurais voulu oublier le passé, le temps d’un 

bref instant et essayer de mettre en suspens les douleurs et les souffrances liées à mon enfance dans ce contexte délicat. Après tout, je n’y étais pour rien. 

C’est en grand partie à cause de cela que j’ai décidé de partir pour ne plus revenir dans un pays où les coutumes et les mœurs tolèrent les déchirures et les violences. 

Mes parents ne sont plus de ce monde, depuis longtemps déjà, je leur souhaite sincèrement une meilleure vie dans l’au-delà que celle qu’ils ont connue sur terre. 

Je rends hommage à la ténacité de mon père dans sa quête persistante et pourtant bien improbable de réconciliation de tous ses proches. Je ne peux pas lui reprocher d’avoir espéré l’impossible.

Il y a cru jusqu’à sa mort, emporté par un cancer en 1997. 

J’aime l’idée de les savoir réunis dans une atmosphère de quiétude et de sérénité, loin des tourments qui les ont emprisonnés tout au long de leur vie ici-bas.

Dans cet au-delà, ils sont peut-être heureux et amoureux comme au premier jour. 

Extrait du livre de Sandia Karima Boina M. Vitali

Commentaires