N’oublions pas que nos racines sont le socle irremplaçable et stable à partir duquel nous pouvons prendre notre envol.

Sandia Karima Boina M. Vitali

Je me suis enfuie à trois reprises. Trois horizons différents qui correspondent à trois grandes étapes.

D’abord, mon pays de naissance, dans les îles de l’océan indien, que j’ai quitté à seize ans, la France, où j’ai vécu pendant quatorze ans, la Belgique, deux ans, et enfin, la Suisse qui m’accueille depuis onze ans. J’ai d’ailleurs bien l’intention d’y rester, même si parfois, je me demande s’il ne serait pas préférable de quitter ce que j’aime, pour retrouver ce que j’ai aimé, à savoir mes îles de la Lune. 

Ces périodes de vie ont toutes été de belles et enrichissantes expériences, mais il faut du courage pour être soi dans une société qui vous demande d’être quelqu’un d’autre.

Dans mon cas, quelle identité me suis-je construite ? 

Ce qui me console est de constater que des millions de personnes sont dans mon cas, à la recherche d’un équilibre entre leur pays d’origine et leur pays d’accueil.

Ce problème est d’autant plus aigu du fait des énormes différences sociales, culturelles, religieuses entre les différents continents. 

D’ailleurs, Pierre Assouline dans une interview, a dit concernant son dernier livre intitulé Retour à Séfarad : « L’identité, ce n’est pas là où on habite, c’est ce que l’on a à l’intérieur. Sauf sur un point, en tant qu’écrivain, ma vraie patrie, c’est ma langue. Je ne suis pas esclave de ma langue mais je l’habite. Jamais je n’écrirai dans une autre langue que le français. » 

J’espère que Pierre Assouline ne m’en voudra pas de le citer, mais ces paroles m’ont interpellée. Si ce je pense, ce que je dis, ce que j’écris, je le fais spontanément en français, que me restera-t-il de ma langue natale ? 

Je parle comorien lorsque je suis en situation de détresse. Le français reste pour moi la langue que j’utilise dans le quotidien. 

Avec le temps, je réalise qu’il existe une réelle dichotomie entre mes origines afro-hindou et la Suisse.

Je trouve regrettable que ce monde soit trop conventionnel. Les relations humaines sont froides, retenues et sous contrôle.

Les comportements semblent peu spontanés, tout au moins, bien moins qu’en Afrique. 

L’Occidental devrait écouter plus souvent le murmure de son âme, s’infiltrer dans sa vie intérieure.

Partant du principe qu’un être humain est « Bio psycho social et spirituel », la relation avec l’autre doit tenir compte de l’ensemble de ces paramètres. 

Il est en effet fondamental de prendre chaque situation individuelle dans sa globalité, dans le but de mieux communiquer avec les personnes qui nous sont proches, et celles qu’on accompagne tant sur le plan associatif, privé que professionnel. 

Il ne faut pas non plus oublier de tenir compte que chaque être humain est unique.

Nous fonctionnons tous selon nos propres croyances, nos coutumes, nos mœurs, selon notre pays d’origine. 

Nous retrouvons cette notion de singularité même au sein des membres d’une même famille où les enfants bien que bénéficiant du même terreau culturel, du même environnement sociologique peuvent avoir des destinées diamétralement opposées, des opinions très divergentes selon leurs expériences et choix de vies. 

Alors, qu’est-ce que ce qui m’aide à tenir en Europe ? Le fait d’avoir une vie intérieure et spirituelle et de pouvoir ainsi prendre du recul ?

Nombreux sont ceux qui n’acceptent « le vivre ensemble » au sein d’une population cosmopolite qu’à partir du moment où ils se positionnent en donneurs de leçons ou en experts de savoirs, le plus souvent de façon arrogante ! 

Je constate que beaucoup de gens issus de l’immigration s’intéressent à la civilisation occidentale dans laquelle ils ont l’intention de vivre.

Cette civilisation est certes passionnante mais combien brutale et matérialiste aux yeux des nouveaux arrivants même si je reconnais que, sur certains points, notamment social et intellectuel, elle est extrêmement variée et attrayante à bien des égards. Mais aussi elle peut se montrer sévère, sectaire et quelquefois même faire preuve de bien peu de tolérance et de considération envers les étrangers.

Pour cela, je pense que cette recherche d’assimilation peut nous faire parfois perdre nos valeurs.

N’oublions pas que nos racines sont le socle irremplaçable et stable à partir duquel nous pouvons prendre notre envol. 

Extrait du livre de Sandia Karima Boina M. Vitali

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